Pathologies palpébrales médicales et oeil sec
Les bords libres des paupières supérieures et inferieures sont le siège de multiples glandes appelées glandes de meibomusassurant la partie lipidique du film lacrymal. La partie aqueuse quant à elle est secrétée par la glande lacrymale située dans la région temporale supérieure de l’orbite. C’est cette couche lipidique qui assure la stabilité du film lacrymal et évite ainsi, entre les clignements palpébraux, que celui s’évapore trop rapidement et ne fasse apparaitre des symptômes de syndrome sec.
Le syndrome sec peut ainsi être lié à un trouble quantitatif de larmes (diminution de la sécrétion de larmes au niveau de la glande lacrymale) et/ou un trouble qualitatif des larmes (détérioration des différentes couches qui constituent ce film lacrymal entrainant une hyper-évaporation lacrymale).
Différentes pathologies peuvent être à l’origine d’un trouble quantitatif de larmes. Certaines entrent dans le cadre de pathologies systémiques, pouvant toucher plusieurs organes, et entrainant une inflammation fibrosante de la glande lacrymale (dacryoadénite) : sarcoïdose, tuberculose, granulomatose de Wegener ; d’autres peuvent être liées à un désordre dysimmunitaire comme le de GougerotSjogren associant de manière plus ou moins constante une sècheresse oculaire, buccale, et/ou génitale. L’ensemble de ces pathologies impliquant la glande lacrymale nécessitent souvent un bilan sanguin immunologique et inflammatoire exhaustif à visée diagnostic ainsi qu’une biopsie de glande lacrymale.
Aucun résultat n’est pathognomonique d’une pathologie particulièremais la confrontation des résultats histologiques et biologiques pourra permettre le diagnostic de la pathologie sous jacente. Il n’est cependant pas rare, lors d’une inflammation de la glande lacrymale, qu’aucun de ces examens ne soit contributif et qu’aucune étiologie ne soit trouvée ; on parle alors d’inflammation lacrymale idiopathique. Si la cause n’est pas trouvée, cela n’empêche pas la mise en place d’un traitement anti-inflammatoire permettant le plus souvent la guérison de l’épisode inflammatoire.
Les troubles qualitatifs du film lacrymal sont beaucoup plus courants et constituent un motif de consultation fréquent en ophtalmologie. Ce syndrome sec par hyper-évaporation lacrymale, se manifestant par une sensation de sable dans les yeux, une altération de la qualité de vision, une sensation de cuisson du bord libre palpébral et/ou des éblouissements, est souvent lié à une pathologie sous-jacente : la blépharite. En effet, les agressions extérieures comme la pollution ou la diminution du clignement palpébral lors du travail sur écran sont autant de facteurs qui ont grandement favorisé le développement de blépharites ces dernières années, et on fait de cette pathologie de surface et de cet inconfort oculaire l’un des motifs de consultation les plus fréquents du 21ème siècle. Cette blépharite, lorsqu’elle est présente, entraine un relargage de facteurs inflammatoires au niveau des bords palpébraux, altérant là encore la stabilité du film lacrymal et un véritable cercle vicieux s’installe. La consistance du meibum, sorte d’huile secrétée par les glandes de meibomus situées dans la paupière, s’en trouve modifiée et épaissie, altérant le drainage de ces glandes et favorisant leur engorgement.
La blépharite se traite par des soins palpébraux à faire idéalement matin et soir. Ces soins consistent à chauffer les paupières avec un gant de toilette ou des compresses chaudes puis à masser le bord des paupières afin d’aider le drainage des glandes de meibomus et d’éviter leur engorgement. Parallèlement, la stabilité du film lacrymal est améliorée par la prescription de substituts lacrymaux visant à diminuer l’inconfort oculaire induit par le syndrome sec.
Lors de poussées de blépharite, les secrétions des glandes de meibomus peuvent devenir tellement épaisse qu’elles peuvent induire un enkystement de la glande ; c’est la formation du chalazion.
Enfin, il n’est pas rare, lors de ces syndromes secs par trouble qualitatif du film lacrymal, de voir apparaître des symptômes opposés à ceux décrits précédemment, pouvant même aller jusqu’au larmoiement. Ainsi, paradoxalement, la cause d’un larmoiement est parfois la présence d’un trouble qualitatif des larmes.
Mais comment une sècheresse oculaire peut-elle se manifester par un larmoiement… ?
L’œil devant toujours être en milieu aqueux et la cornée étant un tissu non viable en atmosphère sèche, notre organisme met en place des systèmes compensatoires en cas de film lacrymal de mauvaise qualité, permettant ainsi à la cornée de rester dans un milieu humide. Il peut s’agir d’une hypersécrétion reflexe de la glande lacrymale, le patient fabriquant alors trop de larmes mais de mauvais qualité. Ce symptôme est souvent mal compris des patients, ceux-ci consultant en effet pour un larmoiement et se voyant prescrire des larmes artificielles en traitement.
D’autres phénomènes compensatoires sont possibles comme une sténose du point lacrymal, entrainant une diminution progressive de l’évacuation des larmes. Ainsi, face à un patient consultant pour un larmoiement, expliqué notamment par une sténose des points lacrymaux, il est toujours primordial de rechercher un trouble qualitatif lacrymal sous-jacent au risque de faire disparaître ce larmoiement au prix de l’apparition de symptômes de sècheresse oculaire pouvant être plus invalidants.
Dans les syndromes secs majeurs, lorsque les traitements médicaux restent insuffisants, cette obstruction des points lacrymaux peut être obtenue par la mise en place de prothèses miniatures en silicone : les bouchons méatiques.